Chapitre 1 : (Entier)

MOT DE L'AUTEUR

J'ai commencé à écrire cette histoire, quelques années après avoir fait une rencontre qui a changé ma vie. Malgré la distance que nous avons toujours gardé dans notre amitié, cette personne a beaucoup compté dans mon évolution de jeune adulte. Elle m'a enseigné quelque chose d'inestimable, et "Please don't die" est ma manière de la remercier, en sensibilisant le public sur une question qui lui tient à cœur. L'un des personnages est d'ailleurs en partie inspiré par elle.

À travers cette œuvre, je souhaite aborder le thème de la dépression, une problématique qui touche beaucoup de gens à cette époque. J'espère que cette fiction pourra apaiser les lecteurs et qu'elle les aidera dans leur cheminement personnel.

Ne perdez pas espoir, la lumière nous attend toujours au bout du tunnel !

*

1-1 : La mystérieuse passagère rousse

— Protège-toi avec ton bouclier ! ... Sors ton arme ! ... Place deux coups et recule ! ... Bois une potion !

Il continuait inlassablement à donner des instructions dans un rythme effréné. Et à chacun de ses ordres, le soldat en armure s'exécutait aussitôt, lui accordant une confiance aveugle. Les ténèbres entouraient le duo dans son long périple vers l'inconnu, et seule une minuscule fée, brillant telle une lanterne, leur permettait de s'orienter. Lors des combats, la lumière se mettait à clignoter et à virevolter, perturbée par la violence des coups d'épée et des chocs sur les boucliers. Alors, pour l'observateur attentif, seuls le fracas des armes, les cris de son personnage et les reflets sur l'armure en acier lui permettaient de suivre l'action.

Une coupure, tout aussi soudaine qu'étrange, interrompit leur marche dans l'immense terre enneigée de Frostenheim.

Le duo se retrouva alors au sommet d'une montagne, confronté à un gigantesque dragon. La bête se dressa et déploya ses ailes dans un fracas assourdissant, faisant vibrer l'air autour d'eux. Ses yeux incandescents fixaient le duo d'un regard menaçant, et son souffle brûlant provoquait la fonte de la neige sous ses pattes. Visiblement, le monstre semblait prêt à attaquer.

Suite à une nouvelle instruction du joueur, le soldat sortit un arc de son équipement et tira des flèches de glace. Mais cette tentative désespérée n'infligea aucune blessure au terrible boss, dont la puissance et la défense dépassaient de loin les capacités du guerrier en armure, encore trop peu expérimenté pour affronter un tel adversaire.

Mort par brûlure, mort par chute accidentelle, mort par écrasement... Les échecs se multipliaient pour le pauvre soldat dans ce combat sans merci. Et à chaque fois, il fallait tout recommencer. Tout le long périple dans les ténèbres, toute la succession de combats fastidieux, toute la périlleuse exploration jusqu'à la montagne.

Et là, contre le boss, la mort le frappait de nouveau.

Une impatience grandissait chez le joueur, qui lui ordonnait d'esquiver les faibles mobs, afin de prendre le chemin le plus rapide vers l'ascension montagneuse. Mais c'était courir encore plus vite vers la défaite... Le manque d'expérience, d'armes et d'objets rendait le combat contre le dragon presque impossible !

Sans surprise, les Game Over s'enchaînaient, et à l'approche du vingtième échec successif, un événement s'apprêtait à bouleverser l'association du duo.

Pour la première fois, le soldat agonisant ôta son casque de métal avant de s'effondrer au sol, la cage thoracique déchiquetée par les griffes de la bête. Un flux de sang s'écoulait de son armure et à chaque toussotement, un filet rougeâtre s'échappait de ses fines lèvres. 

En réalité, le soldat s'avérait être une frêle jeune femme. Elle était brune, aux yeux noirs, et portait un petit grain de beauté sous l'œil droit. Son teint d'une blancheur extrême ainsi que son regard empli de détresse trahissaient la terrible douleur qu'elle endurait.

La mourante prit une inspiration complète, se préparant à utiliser ses dernières forces afin d'accomplir un geste inédit.

De sa propre initiative, elle se tourna lentement vers le joueur afin de lui parler.

— Même dans un jeu vidéo... tu es incapable de me protéger, Sena... ! Tu n'es qu'un menteur qui ne tient pas ses promesses !!

Sena se réveilla en sursaut.

Il était assis sur l'une des places en tissu moelleux de la rame de métro. Des travailleurs en costume, des lycéens en uniforme, et une multitude d'inconnus au visage figé l'entouraient. Peu à peu, le jeune homme reprenait ses esprits. Il était sept heures du matin, et il se rendait au bureau, comme une grande partie des passagers du wagon.

— Encore ce rêve ? souffla-t-il, fatigué.

Le voyageur avait vraiment eu l'impression de se trouver dans un autre monde... Deux minutes après son réveil, il était encore troublé par ce songe aux sensations étrangement authentiques. Dans le même temps, sa tête restait engourdie, à cause du manque de sommeil de ces derniers jours et des mouvements réguliers de la rame.

Le train, bondé mais silencieux, roulait sur une longue section à ciel ouvert en suivant le tracé habituel de la ligne Yamanote. À travers les larges fenêtres, des immeubles se succédaient sans fin, mêlant architectures modernes et façades vieillissantes, entrecoupées d'espaces verts où des arbres dénudés s'élevaient comme des sculptures figées. Parfois, le paysage était masqué par un autre train surgissant sur la voie adjacente. Le véhicule projetait une ombre dans le wagon, puis s'éclipsait aussi rapidement qu'il était arrivé, dévoilant de nouveau Tokyo, qui défilait sous un ciel d'un bleu pâle encore voilé par la brume matinale.

Il ne restait plus que deux arrêts avant Shinjuku Station. En attendant leur gare de destination, la majorité des voyageurs avait les yeux rivés sur leur téléphone. Les quelques réfractaires lisaient un livre, un magazine, ou bien fixaient le vide d'un regard morose tout en évitant celui de leurs voisins. Imitant ces derniers, Sena chercha aussi un point à fixer. Il tourna la tête vers la droite et s'attarda finalement sur une jeune femme rousse, assise quelques places plus loin.

Elle était l'exception à cette scène ennuyeuse du quotidien, de par sa teinture atypique, sa tenue entièrement noire et son occupation insolite. En appuyant ses avant-bras sur ses cuisses, cette étonnante passagère dessinait tranquillement sur un carnet à croquis, alors que le casque blanc couvrant ses oreilles l'isolait de la foule environnante. Avec un splendide sourire aux lèvres, elle semblait savourer un instant d'inspiration, tandis que sa main droite glissait avec précision pour ajouter les dernières touches de couleur à sa création. Intrigué, Sena se redressa afin de jeter un coup d'œil au dessin.

Il n'avait jamais rien vu de tel ! De par l'énergie qui s'en dégageait, ce croquis donnait l'impression de transcender le papier. Le premier plan de la feuille était parsemé de flocons de neige aux couleurs pastel : roses doux, bleus apaisants, verts délicats et jaunes lumineux. En arrière-plan, un paysage nocturne était illuminé par une aurore boréale éclatante. Et au bas de l'image, une femme au style médiéval, levait ses yeux vers ce spectacle arc-en-ciel, alors que ses longs cheveux et une nuée de flocons étaient emportés par un puissant souffle.

La femme était le point le plus intriguant de ce dessin... En effet, au milieu de cette explosion de couleurs, seul ce personnage demeurait en noir et blanc. C'était comme si le mouvement d'air avait emporté ses émotions et son énergie, avant de la laisser cruellement en marge de ce monde fabuleux. Une vive tristesse envahit Sena en observant ce contraste saisissant...

Il était surprenant qu'une personne puisse produire une telle œuvre d'art en si peu de temps, surtout dans un lieu aussi inconfortable et bondé qu'un métro. Le jeune homme semblait être le seul passager à avoir remarqué cette prouesse. Il hésitait à interrompre la mystérieuse artiste pour lui demander l'exacte signification de son dessin, qui, en quelques instants, avait dissipé le souvenir du lourd rêve qu'il venait d'expérimenter. Il réfléchissait à la meilleure manière de l'aborder, alors que celle-ci avait presque terminé sa touchante création. Mais avant qu'il n'ait pu trouver les mots adéquats, le signal de la station retentit dans la rame.

— Shinjuku Station, Shinjuku Station ! annonça la voix du haut-parleur.

Les portes s'ouvrirent et une vague de voyageurs sortit du train. Sena et l'inconnue se levèrent aussi. Toutefois, en quittant le wagon, il remarqua que la jeune femme avait simplement changé de place pour une autre plus isolée. Pendant que la foule se dispersait autour de lui sur le quai, Sena demeura figé, ses yeux rivés sur le véhicule qui reprenait doucement son voyage. À travers la vitre, il aperçut une dernière fois la femme rousse, penchée sur son croquis. Son doux sourire s'était envolé, et d'une façon déconcertante, des larmes silencieuses coulaient sur ses joues.

Le train s'éloignait.

Toujours immobile, le jeune adulte fut frappé par un terrible regret. Cette dernière vision lui avait confirmé l'existence d'une mélancolie chez cette femme, une mélancolie qui semblait résonner avec son propre quotidien. L'âme de Sena avait ressenti l'irrésistible besoin de lui parler, comme si les deux passagers auraient pu se comprendre et s'apaiser avec un regard, un sourire, quelques paroles, et un au revoir. Pourtant, après plusieurs minutes d'hésitation, il avait gardé le silence...

Et maintenant que le train avait disparu au loin, il était trop tard... Dans une ville de quatorze millions d'habitants, il était presque certain que Sena ne reverrait plus jamais la mystérieuse rousse, ni son art si singulier.

*


1-7 : Des flocons de joie et de tristesse


Il était déjà vingt heures. Après avoir englouti une salade et plusieurs onigiris devant son écran, Sena prévoyait quelques minutes de repos pour digérer. Le game designer avait la chance de travailler en périphérie de l'open-space, dans la rangée du fond, près des fenêtres. Et lorsque l'inspiration lui faisait défaut, il aimait se tourner et observer tranquillement Shinjuku.

Ce soir-là, en se retournant, il eut la surprise de découvrir de la neige tombant lentement à l'extérieur. C'était la première chute de l'année, et au vu de la couche qui recouvrait les toits et la rue piétonne, celle-ci tombait déjà depuis un moment. Avec l'excitation d'un enfant, le futur trentenaire attrapa sa veste ainsi que son bonnet, puis fila vers l'escalier de service. Le studio occupait le dernier étage de l'immeuble et un escalier d'une vingtaine de marches permettait de se rendre sur le toit. Uniquement visité par Sena, cet endroit à l'air libre était son refuge secret, un havre de paix idéal pour la méditation, loin du stress étouffant de Nightfall.

Arrivé en haut, le jeune homme découvrit un spectacle envoûtant. L'endroit était recouvert d'un léger tapis blanc, et d'innombrables flocons, aussi purs que des perles, continuaient à flotter dans l'air. La lune, paisible et distante, diffusait une lueur douce et argentée, alors que le ciel, d'un bleu profond, paraissait infiniment vaste. De son côté, la frénésie de la mégalopole avait été suspendue par la météo, pour être ensuite remplacée par une quiétude inhabituelle. Envoûté par ce silence rarissime, Sena leva doucement la tête vers le ciel et ferma les yeux pour savourer cet instant.

Le froid n'était pas glacial. En l'absence de vent, il était plutôt supportable, comme cette douceur qui effleurait Sena à chaque flocon se posant sur sa peau. En tendant l'oreille, il avait presque l'impression d'entendre la ville respirer d'un souffle lointain, alors que les bruits sourds des véhicules roulant sur l'autoroute lui parvenaient d'un murmure continu. Sena trouvait ce calme profondément inspirant. C'était presque comme si ce moment suspendu dans le temps résonnait avec l'écho d'un vide étrange, un vide qui, tout en se montrant apaisant, semblait dissimuler une tragédie, une absence irréparable...

En vérité, le silence lui avait toujours évoqué la mort. Et c'était cet exact mélange de calme, de mystère, de solitude et de tristesse qu'il tenait absolument à partager dans Forbidden to die... D'une manière étonnante, cette scène résumait parfaitement toute la complexité de sa sensibilité artistique, à tel point que Sena en frissonnait, touché au plus profond de lui-même.

Il fit quelques pas prudents, cherchant à mieux admirer la ville endormie. Le sol glissant, l'obligeait à avancer lentement, les bras presque tendus, afin de pouvoir se rattraper en cas de chute. À travers le grillage de deux mètres entourant le toit, il distinguait des bâtiments aux hauteurs inégales, se fondant dans la nuit. Leurs vitres scintillaient de façon éparse, signalant des bureaux encore occupés par des travailleurs nocturnes, et d'autres désertés depuis plusieurs heures.

Sena continua d'avancer et referma d'une main les boutons de son blazer en laine. Mais alors qu'il arrivait à une dizaine de mètres du bord, un détail capté du coin de l'œil le figea sur place.

Sur sa droite, à la lisière du panorama, entre l'éclat des éclairages de la ville et l'obscurité de la nuit, une silhouette se détachait faiblement. Sena plissa les yeux pour mieux discerner cette forme qui lui avait échappé jusqu'alors...

Une fine silhouette se tenait là, immobile et contemplant la même scène que lui ! Mais ce qui glaça son sang, c'était la présence de cette ombre derrière le grillage de sécurité !

À cause de la fatigue, Sena avait d'abord cru à une hallucination. Mais après plusieurs secondes d'observation, il réalisa que cet être humain était bien réel. Il remarqua la position tombante de sa nuque et de ses épaules, une posture qui n'annonçait rien de bon. Sena y lisait l'expression d'un profond désespoir...

Il fit alors quelques pas hésitants en sa direction, s'efforçant d'adopter une démarche aussi légère que possible afin de ne pas l'effrayer. Il s'interrogeait sur son identité, et plus il s'approchait du grillage, plus son rythme cardiaque s'emballait. Le portillon de sécurité était entrouvert et Sena comprit qu'elle l'avait emprunté afin d'accéder au rebord du toit. À son tour, il le tira, de sorte à passer sa tête à l'extérieur et identifier la silhouette...

Son cœur fit un bond en découvrant le visage d'Akane !

Elle fixait l'horizon, immobile et les bras tombants le long de son corps, sa posture donnant l'impression de pouvoir se décomposer à tout instant. Sa peau, aussi pâle que la neige, se confondait avec la météo actuelle. Et puis, ses yeux, à moitié ouverts, semblaient avoir perdu toute lumière, tout éclat et toute trace de vie. Seul un vide profond émanait de son regard presque éteint... À cette vision, Sena sentit son cœur se serrer, et une boule se former dans sa gorge. Un mauvais pressentiment l'envahissait.

— Akane... que fais-tu ici... ? dit-il sans réfléchir, submergé par l'angoisse et l'urgence de la situation.

Elle paraissait perdue, déconnectée de la réalité, et ne semblait pas entendre la voix de son collègue stupéfait. Celui-ci fut saisi d'effroi en constatant son inquiétant détachement ainsi que son équilibre précaire au-dessus de l'abîme. Le rebord ne mesurait qu'une vingtaine de centimètres de large, et la jeune femme avait la moitié des pieds qui dépassaient dans le vide, tandis que l'autre moitié reposait sur un sol enneigé particulièrement glissant. Pour aggraver la situation, Akane avait sa main droite occupée à tenir fermement sa large pochette à dessin. Compte tenu de son éloignement de la barrière et de son manque de stabilité, son corps pouvait à tout instant basculer dans le vide et faire une chute de quarante mètres.

— Akane, s'il te plait, agrippe-toi à la grille et reviens ici !

Elle ne répondit pas.

— PAR PITIÉ, NE FAIS PAS ÇA, AKANE ! REGARDE-MOI ! AKAAANEEE ! REGARDE-MOI !!

Mais elle restait figée, comme si sa voix ne pouvait plus l'atteindre.

Sena garda le silence et seul le bruit de sa respiration haletante rompait le calme apparent de cette nuit enneigée. Il n'avait plus le temps de chercher une solution miracle — d'ailleurs, il n'y en avait probablement aucune. Tout ce qu'il lui restait, c'était l'urgence, dictée par son rythme cardiaque, par le manque de réaction de cette âme tourmentée, et par le néant à ses pieds.

Les souvenirs défilaient dans l'esprit de Sena. Il se rappela de la jeune rousse dans le train, et de ce dessin qui, rétrospectivement, prenait tout son sens. Puis lui apparut, la jeune femme solaire et pleine de vie, entrée comme une tornade dans le studio. Énergique et spontanée, elle était rapidement parvenue à trouver les mots justes pour motiver ses collègues. Mais cette image d'Akane s'effaça d'un coup, remplacée par celle d'une femme fatiguée, silencieuse et distante.

Au fur et à mesure des jours, Sena avait perçu quelque chose, un mal-être, qu'elle cherchait à garder pour elle. Il se remémora de ce moment de silence en salle de repos, lorsque leurs yeux s'étaient perdus dans les merveilles de la ville. Celui-ci avait opté pour la patience, persuadé qu'elle avait simplement besoin d'espace et de temps afin de s'ouvrir. Cependant, il n'avait pas encore saisi la gravité de cette souffrance, de ce véritable désespoir qui sommeillait en elle. Jamais, il n'aurait pu imaginer que la jeune femme envisagerait un jour le suicide...

Désemparé, il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il aurait dû agir autrement, venant même à se détester pour sa passivité passée, déguisée en bienveillance. Un sentiment de culpabilité hantait déjà Sena depuis de longues années, et ce cauchemar éveillé ravivait une ancienne blessure. Ce n'était pas la première fois qu'il échouait à apaiser et à sauver quelqu'un, puis qu'il assistait impuissant, aux terribles conséquences de son incompétence.

Au plus profond de ces fragments de souvenirs, il vit un autre visage. Celui de Madoka. Une adolescente, brune, aux yeux noirs, portant un petit grain de beauté sous l'œil droit. La jeune fille incarnait la joie de vivre, et sa gaieté transparaissait dans ses actions, son sourire, et chacun des mots qu'elle prononçait.

— Sena ! Sena ! Sena ! criait-elle, emplie de bonheur à chaque fois qu'elle apercevait son amoureux au loin, dans les couloirs du lycée.

Il n'avait jamais été aussi heureux qu'en sa compagnie ! Pourtant, leur quotidien n'avait cessé d'être marqué par des épreuves et des désillusions. Jusqu'à la terrible tragédie, survenue peu de temps après sa promesse.

Malgré ses belles paroles, le lycéen avait été incapable de respecter son engagement, se montrant trop faible pour la protéger. Ce jour-là, la vision de son corps meurtri, livide et sans vie, l'avait définitivement brisé... Un traumatisme profond, une perte inestimable, dont il ne s'était jamais relevé. Depuis, Yumeno Sena vivait prisonnier de ses regrets, hanté par le désir de réparer ce qui ne pouvait plus l'être...

À cette partie de ses souvenirs, le jeune homme s'arrêta de respirer, comme pris par une illumination.

— Réparer... ce qui ne peut... plus l'être...

Au moins une fois dans sa vie, chaque individu a déjà voulu revivre un instant du passé, pour agir différemment, faire les bons choix et réussir là où il a échoué. Mais c'est une règle immuable de ce monde : il est strictement impossible de retourner en arrière ! Pourtant, face aux regrets et à la tristesse... est-ce vraiment le seul chemin , la seule direction envisageable... ? N'y a t-il pas un autre moyen de rectifier ces erreurs du passé ?

Après quelques secondes de silence et de réflexion, le game designer redressa finalement la tête. Le regard déterminé, les épaules relevées et la respiration stabilisée, Sena n'avait maintenant plus aucun doute sur la suite des événements !

Sans réfléchir davantage, il s'engagea sur le rebord du toit avec précaution, en collant son corps autant que possible à la barrière de sécurité. À cause de toute la neige accumulée, ses longs pieds dépassaient dangereusement dans le vide. Et à chaque mouvement latéral de ses jambes le rapprochant d'Akane, il usait de toute la force de ses doigts pour agripper les mailles glacées du grillage et garder un certain équilibre.

Vingt mètres séparaient le portillon et l'emplacement d'Akane, et Sena en avait déjà parcouru un quart. Il avançait en effectuant des mouvements amples et précis avec l'objectif de couvrir davantage de distance. Après son passage, la neige s'assombrissait et conservait l'empreinte de ses semelles. Une partie de l'amas restait décomposée sur le rebord et une autre tombait dans le vide. Il n'était plus qu'à cinq mètres d'Akane. Quatre mètres. Trois mètres. Deux mètres.

Il saisit doucement sa main gauche.

— Akane, c'est moi, Sena ! Regarde-moi ! dit-il d'une voix mesurée.

*

© 2025 Umino Reiji. Tous droits réservés. Please don't die.


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Chapitre 1-7 : Des flocons de joie et de tristesse